Processus d'autodestruction & pulsion de mort
Dans son ouvrage Malaise dans la civilisation, Sigmund Freud écrit :
"On pouvait admettre que l'instinct de mort travaillât silencieusement, dans l'intimité de l'être vivant, à la dissolution de celui-ci, mais cela ne constituait naturellement aucune preuve ; l'idée qu'une partie s'en tourne contre le monde extérieur et devient apparente sous forme de pulsion agressive et destructrice nous fit faire un pas de plus. Ainsi l'instinct de mort eût été contraint de se mettre au service de l'Eros ; l'individu anéantissait alors quelque chose d'extérieur à lui, vivant ou non, au lieu de sa propre personne. L'attitude inverse, c'est-à-dire l'arrêt de l'agression contre l'extérieur, devait renforcer la tendance à l'autodestruction, tendance sans cesse agissante de toutes façons."
L'idée de Freud est la suivante : la pulsion de vie, lorsqu'elle ne parvient pas à être canalisée et extériorisée, finit par se retourner contre son porteur et travaille à son auto-destruction.
Il identifiait d'ailleurs précisément le retournement contre la personne propre comme étant l'un des quatre destins possibles d'une pulsion.
Les intuititions freudiennes ont été largement étayées par la biologie, et notamment par les travaux du médecin Henri Laborit.
Retournement de la pulsion contre son porteur
Un être vivant, lorsqu'il ne parvient pas à réaliser ses pulsions en canalisant son énergie et en la dépensant, la voit se transformer en pulsion d'agression qui se retourne contre lui pour le détruire. À quoi correspond précisément ce retournement de l'énergie pulsionnelle ?
Il semble que l'énergie ait toujours besoin d'être déployée, et quand elle ne peut pas l'être, quand elle n'est pas canalisée dans des actes physiques ou des travaux psychologiques adéquats mais qu'elle est inhibée, elle se retourne contre son porteur, elle se manifeste à travers du stress, ce qui l'amène à s'agresser lui-même.
En d'autres termes, la structure dissipative que représente un être vivant, lorsqu'elle cesse d'être efficace, lorsqu'elle devient inopérante, voit l'énergie qui l'anime travailler à la faire disparaître.
La vie poursuit donc un autre but qu'elle-même. Un but plus grand, qui nous traverse tous : elle participe au mouvement de l'univers, à son expansion, à son élan de dispersion d'énergie. La vie n'est qu'un mode d'organisation particulier de la matière qui a pour fonction d'accélérer la poursuite de la dispersion d'énergie, qui a pour mission d'augmenter l'entropie. Un être vivant n'y parvenant pas, ne procédant pas à sa mission, dysfonctionne et bientôt disparait, parce qu'il ne réalise pas les actes pour lesquels il est fait.